Le ciel belge sera bientôt (enfin) ouvert aux drones civils
• 25 mars 2015 09:48 from Echo
Un arrêté royal, qui traîne dans les tiroirs du SPF Mobilité et Transports depuis près de 3 ans, sera présenté dans les prochains jours. De quoi soulager (ou pas) un secteur qui bout d’impatience.
Express
Un arrêté royal réglementant l’accès à l’espace aérien pour les drones civils devrait être présenté avant la fin de la semaine.
À l’heure actuelle, un trou juridique bloque le secteur, en pleine effervescence en Belgique.
Le texte serait plus restrictif que la moyenne européenne et certaines étapes pourraient retarder son application effective.
Du côté des entreprises, l’impatience est palpable.
La pression s’accentue sur le cabinet de Jacqueline Galant pour parvenir à un texte définitif sur l’accès à l’espace aérien belge pour les drones civils, alors que plusieurs centaines d’aéronefs sont vendus chaque semaine en Belgique. Depuis plusieurs mois, Jacqueline Galant répond aux interpellations tant du secteur que de différents élus, en évoquant un texte "en phase finale d’écriture". Le député Open VLD Vincent Van Quickenborne, notamment, ne mâche pas ses mots. "Ce dossier traîne depuis trois ans déjà. Entre-temps, la France, le Royaume-Uni et une série d’autres pays ont pris l’initiative."
Mais selon nos informations, la ministre travaillerait d’arrache-pied sur le sujet, au point d’aboutir à un texte définitif dans les tout prochains jours. Une accélération qui devrait enthousiasmer le secteur mais qui semble l’inquiéter plus qu’autre chose.
Que sait-on du texte?
Du côté du cabinet Galant, on préfère éviter de détailler les mesures avant la présentation officielle de l’arrêté. Mais si le texte en préparation n’a que peu circulé, il nous revient qu’il est largement basé sur le document préparé par le prédécesseur de Jacqueline Galant, Melchior Wathelet. Il permettrait l’accès à l’espace aérien belge pour les drones civils et autoriserait les transactions commerciales liées à leur utilisation. Il établirait une distinction entre "jouets" et drones professionnels sur base d’un critère de poids: dès 1,5 kg, le pilotage de l’engin nécessitera de passer par une longue série de démarches administratives, dont son immatriculation, sa certification, l’établissement d’un manuel technique ultra-complet et l’obtention d’un permis officiel. Le pilote devra également constamment garder un contact visuel avec sa machine. Interdit, aussi, de survoler des rassemblements de population, lors d’événements notamment. "Il faut bien comprendre que les drones professionnels pèsent leurs poids, que leurs hélices sont tranchantes au possible et qu’un accident pourrait être dramatique", explique Patrick Mascart, vice-Président de BEUAS, l’association belge des utilisateurs professionnels de drones.
"Nous sommes clairement demandeurs d’un cadre plus formel et l’obtention d’une licence de pilote pour l’utilisation de drones nous semble primordiale", explique Patrick Mascart. "Après, il s’agit de voir comment et à quelle vitesse cela se mettra en place: qui certifiera les écoles, les professeurs? Qui s’occupera d’établir la liste des machines autorisées? Est-ce que la licence ne sera valable que pour la Belgique?". Reste aussi à savoir le temps qui s’écoulera entre la définition du texte et son application effective, puisqu’il devra être envoyé aux Régions pour avis et qu’il nous revient que la Ministre souhaiterait également le faire passer par le Conseil d’État. "Il est difficile de dire quand on parviendra à l’application concrète du texte sur le marché mais tout est mis en œuvre pour que ce soit au plus vite", explique Stéphanie Hotton, porte-parole de Jacqueline Galant.
Quelle part de l’espace aérien sera accessible?
En ce qui concerne la portion du territoire belge qui deviendrait accessible aux drones, "on parle de 20 à 25%, pas plus", ajoute Patrick Mascart. Les drones seront placés dans la catégorie G de l’espace aérien, soit les zones non-contrôlées et hors de toutes les zones d’exclusion: aéroports, centrales nucléaires, bases militaires, mais aussi agglomérations au sens large. Il sera par exemple impossible de voler entre Bruxelles et Anvers, et il y aura nettement plus de possibilités en Wallonie qu’en Flandre.
Ce qui a le don d’énerver les entreprises du Nord du pays actives dans le secteur, qui pourraient faire barrage au texte. Pour ce qui est de l’altitude, les vols seraient limités à 90 mètres, contre 60 mètres dans le texte précédent… et alors qu’un consensus se dégage au niveau européen sur une altitude comprise entre 120 et 150 m. "Ce serait déjà un premier pas, et cela permettra aux entreprises actives dans les médias ou l’immobilier de démarrer formellement leurs activités", explique Patrick Mascart, "mais toute une partie du secteur restera à l’arrêt, notamment les vols scientifiques et topographiques."
Que peut-on faire à l’heure actuelle?
En grossissant le trait: acheter un drone et le laisser dans sa boîte. Aucun vol n’est permis en dehors des terrains d’aéromodélisme sauf dérogation expresse délivrée par la Direction générale du transport aérien (DGTA). Et lorsqu’il s’agit d’obtenir ces autorisations, mieux vaut s’armer de patience. "Il faut compter en moyenne un mois entre l’introduction du dossier et son approbation par la DGTA", explique un entrepreneur actif dans le secteur, "c’est très difficile à gérer dans la mesure où l’on ne peut pas exactement prévoir la météo avec des délais aussi longs". Pourtant, pas question ici d’une quelconque mauvaise volonté de la DGTA: "au contraire, mais l’administration ne dispose que de deux personnes pour cette question spécifique: elles font tout ce qu’elles peuvent et rognent même sur leurs congés pour nous aider, mais ce n’est pas tenable", explique Patrick Mascart. Autre souci majeur: il est actuellement quasi impossible d’obtenir une assurance pour un vol en dehors d’une zone d’aéromodélisme, l’activité étant toujours considérée comme illégale. Enfin, un ultime problème se pose au niveau des fréquences utilisées pour maintenir le contact entre le pilote et son drone. Les transpondeurs doivent en effet utiliser un spectre spécifique mais dans la mesure où il n’offre qu’une portée limitée, nombre de pilotes utilisent des amplificateurs qui peuvent provoquer des interférences. Un pilote se serait notamment déjà fait taper sur les doigts pour avoir brouillé toutes les communications GSM dans la zone où il volait. Du côté de l’IBPT, qui régule l’utilisation des fréquences, l’heure est à l’information du secteur et les discussions vont bon train pour éviter tout couac à l’avenir.
À quoi ressemble le secteur en Belgique?
1.900 €Pour bénéficier d’une formation complète au pilotage de drone, bientôt obligatoire, un budget minimum de 1.900 euros est à prévoir en Belgique.
L’on compte actuellement plus de 170 entreprises qui cherchent à exploiter commercialement des drones en Belgique. Deux centres de formation sont déjà en activité, l’un à Liernu en province de Namur et l’autre à Coxyde. Plusieurs autres sont en train de se mettre en place à travers le pays. Ils dispensent des formations qu’ils souhaiteraient voir devenir certifiantes pour les licences de pilote. "Pour le moment, nous nous basons sur ce qui était prévu dans le texte de Melchior Wathelet, en accord avec la DGTA", explique Renaud Fraiture, directeur de l’Espace Drones à Liernu, qui a déjà formé pas loin de 100 pilotes. "Nous sommes dans l’attente du texte définitif et s’il le faut, nous adapterons notre formation" ajoute Renaud Fraiture, qui dit avoir eu d’excellents contacts avec la ministre lors du récent salon du drone à Tour & Taxis. À noter que pour une formation complète, théorique et pratique, il faut compter un budget de minimum 1.900 euros. "Ce que l’on espère sincèrement, c’est que le marché puisse s’ouvrir rapidement: il y a énormément de demandes et notre plus grande crainte, c’est que des entrepreneurs perdent patience, organisent des vols illégaux et qu’un accident ne remette tout en question", ajoute Renaud Fraiture.
Un arrêté négocié en bonne entente?
Si l’on récapitule, la régulation des drones civils fait intervenir une liste impressionnante d’acteurs: le SPF Mobilité et Transports, la DGTA, la Défense, l’IBPT, Belgocontrol, les centres de formation et les entreprises. Idéalement, les distributeurs, qui n’informent que peu les acheteurs, devraient également être impliqués. Reste que tout ce petit monde n’a pas été rassemblé autour d’une même table depuis… le mandat de Melchior Wathelet. "Nous n’avons été conviés qu’une fois et nous n’avons jamais pu lire le texte, seul le cabinet et le SPF ont pu y accéder", dénonce Patrick Mascart. Du côté de l’IBPT, on s’étonne même d’apprendre que le texte serait sur le point d’aboutir. "Et d’après ce qui a filtré, nous allons nous retrouver en queue de peloton à l’échelon européen", précise Patrick Mascart. À noter que l’Europe s’est saisi du dossier et entend aboutir à de premières propositions dès la fin de l’année. "Ce que nous demandons, c’est une réglementation viable, mais susceptible d’être rapidement amendée et ce que l’on entend ne nous rassure pas", ajoute le vice-président de BEUAS.
Des critiques que l’on dit ne pas bien comprendre du côté du cabinet Galant: "il y a eu énormément de concertation avec tous les acteurs du secteur et si nous avons accéléré la cadence, c’est pour répondre à une demande très forte du marché, en considérant le potentiel économique du secteur", déclare la porte-parole de Jacqueline Galant.